Aquaculture : vers une révolution écologique de la production de poissons
Les scientifiques prédisent la fin de la pêche pour 2040, date à laquelle les océans et mers seront vidés de toute vie et tellement pollués que le peu d’espèces qui y survivront seront impropres à la consommation humaine.
C’est en partie pour ces raisons que l‘aquaculture figure comme alternative à la sur-pêche mais elle reste souvent décriée et nombreux sont les reportages qui décrivent les méthodes scandaleuses d’élevage des poissons dans des conditions de vie plutôt atroces.
A la vue de toutes ces problématiques, il est nécessaire de rétablir progressivement le cap et de trouver des alternatives ou méthodes d’aquaculture respectueuses de l’environnement, des animaux et des consommateurs.
Pour mieux comprendre ce scandale latent, voici un tableau qui parle de lui même (source : 60 millions de consommateurs) :
Alors que l’aquaculture se développe partout dans le monde, elle a mauvaise presse en France. Depuis 2012, il se produit plus de poissons en élevage que grâce à la pêche, la production étant fournie à 80% par l’Asie, dont la Chine qui produit elle même 90% du total de l’aquaculture asiatique. L’Europe, elle, ne produit qu’environ 2% du restant… autant dire que nous sommes à la traîne!
Graphique de production mondiale de la pêche de capture et de l’aquaculture :
Pourquoi l’aquaculture a-t-elle mauvaise presse?
Parmi toutes les raisons qui donnent mauvaise presse à l’aquaculture, on peut évoquer les antibiotiques utilisés de façon systématique et à outrance dans la plupart des élevages et particulièrement en Norvège. Ces antibiotiques sont nécessaires pour soigner les poissons atteints par des maladies dues à l’importante densité d’individus dans les bassins. Nous savons tous que ces antibiotiques ont un impact énorme sur la santé des consommateurs finaux et ce n’est plus à prouver.
Ces scandales étant connus de tous, les éleveurs sont poussés à trouver d’autres techniques pour limiter les intrants médicamenteux mais aussi pour réussir à nourrir les poissons de façon plus saine.
En plus de ces problématiques sanitaires, les élevages intensifs de poissons sont aussi une véritable plaie pour l’environnement de part leurs rejets toxiques dans le milieu (bien souvent directement dans la mer et océans). Les déjections des poissons sont ultra-riches en matières organiques qui peuvent être assimilées par les écosystèmes proches des cages où sont élevés massivement les poissons en mer, mais pas si ceux-ci sont saturés et ne peuvent plus assimiler tous ces nutriments. Les phosphates ou l’ammonium ne sont également plus absorbés par les algues et la flore alentour, conduisant à une explosion de vie primaire qui consommera tout l’oxygène de l’eau. C’est ce qu’on appelle les zones morte, c’est zones dans lesquelles la chaîne alimentaire locale s’écroule et où toute vie disparaît petit à petit.
Il a donc fallu réfléchir un peu plus et faire de ces inconvénients des avantages et généralement, dans la nature, tout peut s’équilibrer à condition de faire les choses de façon logique. Les déchets sont souvent de l’or pour le permaculteur ou l’aquaponiste. Nous savons que l’aquaculture, combinée à un système de culture hors sol réduit la pollution générée et contribue à ce que les poissons vivent dans des conditions plus décentes. C’est là que l’aquaponie prend tout son sens! (rappelez-vous du site pilote AMTI d’Apiva…)
Il existe également d’autres risques et problématiques liées à l’aquaculture, les voici résumés dans cette image :
Vers une Aquaculture MultiTrophique Intégrée
Le projet pilote AMTI d’APIVA a pour but de supprimer les défauts des fermes et élevages d’aquaculture intensifs en avantages décisifs. Au programme, réduire la pollution générée à néant, intensifier les productions animales et végétales tout en les diversifiant. La promesse de l’AMTI est en quelque sorte d’offrir au monde une aquaculture du XXIème siècle, écologique et à hauts rendements.
Cette transposition de l’aquaponie à un milieu plus grand comme les mers et océans était la solution. Il suffisait de réussir à faire cohabiter des espèces végétales capables de se nourrir des déchets produits par les poissons, tout en fournissant une plus value intéressante à l’aquaculteur, qui pourra alors réduire la densité d’animaux élevés. On passe donc d’une logique de monoculture à celle de polyculture, plus proche de l’écosystème d’origine des animaux élevés.
Mais concrètement, comment fonctionne l’aquaponie en mer?
La démarche peut sembler complètement logique : on passe d’un élevage de masse, intensif et polluant, à un élevage synergique, moins intensif et le plus propre possible.
Avec de telles techniques avancées, s’en est fini des rejets de déchets organiques en masse dans l’environnement. En utilisant des algues valorisables (entendez par là commercialisables) à proximité des lieux d’élevages en mer, elles absorberont les nutriments nécessaires à leur croissance, en provenance directe des déjections de poissons. Il en est de même pour d’autres coquillages filtreurs comme les moules ou les huîtres qui peuvent efficacement limiter le développement des poux de mer, véritable plaie dans les élevages.
En mettant en place cette véritable polyculture élevage, l’environnement proche des lieux d’élevage s’améliore immédiatement et permet de limiter les maladies se développant au sein des fermes aquacoles, sans parler de la réduction logique du stress des poissons. Ces modifications plutôt simples permettent de véritablement réduire l’utilisation de pesticides et intrants médicamenteux, réduisant ainsi l’impact sur l’environnement et les coûts d’élevage des pisciculteurs, tout en permettant une meilleure rentabilité via la vente des multiples espèces végétales et animales élevées.
En Europe le programme IDREEM a été mis en place et déployé sur sept sites pilotes des combinaisons innovantes d’élevage. Ils y élèvent pétoncles, algues, saumons ou encore daurades, moules et huîtres. A terme, l’IDREEM souhaite oeuvrer pour mettre en place une filière durable et responsable.
En France, nous avons l’exemple de la ferme-pilote de Molène dans le Finistère. Les coquillages filtrent l’eau, l’azote de leurs déjections est ensuite utilisé par les algues dont se nourrissent les ormeaux et les poissons. On entre ainsi dans l’ère de l’aquaculture écologique intensive tout en maximisant le fonctionnement des écosystèmes pour valoriser leurs ressources.
Une autre ferme-pilote est aussi en place à Sizun dans le Finistère. Nous en avions parlé dans notre dernier article sur APIVA. Cette fois-ci ce n’est pas en mer et les algues et crustacés sont remplacés par des blettes et salades qui poussent directement dans l’eau des systèmes aquaponiques enrichis par les déjections des truites.
Quel avenir pour l’aquaculture européenne?
Face à la féroce concurrence que représente l’Asie qui se place en situation de quasi monopole sur ce marché en très forte croissance, l’Europe se devait de réagir dans un contexte de surpêche et d’épuisement des ressource. C’est là que la rencontre de la science et de la technologie opère avec la création de l’AMTI qui permettra d’offrir une aquaculture productive tout en respectant les milieux et en étant économiquement viable. Pour une fois la France est bien placée avec ses 23 espèces animales élevées, quand d’autres pays ont choisi de ne concentrer leurs efforts que sur le saumon seul.
Plus encore que les considérations économiques, l’AMTI marque la prise de conscience qu’on ne sort pas une espèce de son écosystème d’origine sans conséquences : l’écologie n’est pas qu’une contrainte mais surtout l’avenir de la filière.
Si tous ces efforts portent leurs fruits il y a fort à parier que l’aquaculture du XXI ème siècle fasse rimer pisciculture, qualité du poisson et respect de l’environnement.
Si vous voulez en savoir un peu plus sur ces contaminations et méthodes barbares actuelles, voici deux reportages assez éloquents :
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A bientôt,
Pierre
Source : Article rédigé d’après un article du e-rse (http://e-rse.net/amti-aquaculture-vers-une-revolution-ecologique-23773) enrichi et consolidé par d’autres sources et données diverses.
A l’heure des grandes vérités sur nos chers industriels, il est bon de lire qu’il y a étonnamment une solution à tous ces maux… pourquoi n’y avons nous pas pensé avant? Il fallait être devant le mur pour comprendre? Merci à Pierre et Norbert pour ces derniers articles pleins de chiffres concrets et d’espoir.
A lire aussi l’article du monde sur « La face sombre de l’aquaculture » : http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/14/la-face-sombre-de-l-aquaculture_5079708_3244.html
« Près du marché au poisson de Joal, sur les côtes du Sénégal, les femmes qui traditionnellement achetaient chinchards, anchois, maquereaux et sardinelles pour les fumer se sont retrouvées au chômage. Ces petits pélagiques, moins nobles que le thon ou la daurade, fondent la base de la cuisine jusque dans l’arrière-pays. Mais voilà que depuis quelques années des fabricants de farine de poissons coréens, russes, chinois se sont installés sur place et raflent tout en offrant quelques centimes de plus par caisse débarquée des pirogues de pêche artisanale »
« Un quart des poissons réduit en farine »